Maria Mulas : La photographie en tant qu’art

Parmi les nombreux essais visant à systématiser les infinies facettes de l’ « art photographique », l’ une des distinctions les plus acceptables pourraient être celle qui consiste à les classer en deux grandes catégories : celle des photographes qui, dotés de tous les artifices techniques, se servent de tous les moyens - mécaniques, chimiques, optiques – pour une savante manipulation des images, et celle de ceux qui, au contraire, confient le résultat de l’œuvre à leur regard, ou moment du déclic, à l’évaluation psychologique du personnage pris en photo, à l’atmosphère du milieu ou du paysage.

Maria Mulas fait sans doute partie du deuxième groupe , même si elle a su et voulu nous donner plusieurs exemples de « manipulation » de la pellicule par des superpositions, des juxtapositions, des imbrications de l’image primaire, mais, dans les cas les plus surprenants et risqués, il s’agit toujours d’un usage « normal » de la photo, qui n’est pas modifiée chimiquement ou travaillée en post-production par ordinateur, mais se transforme selon le projet de l’artiste. Il ne s’agit plus, alors, de simples photogrammes, d’un effet plus ou moins réussi sur la rétine, mais d’ « œuvres visuelles » : le déclic de l’objectif devient medium expressif, toujours fruit d’une recherche très calibrée – bien qu’instinctive – de l’artiste.

Et c’est vraiment l’instinct naturel – toujours « juste » qui guide l’œil et la main de Maria. Cet instinct qui fait partie de la nature humaine la plus profonde, et ne peut être ni appris ni enseigné.

On peut aborder le travail de Maria Mulas comme celui d’une artiste de notre époque qui a su saisir, par instinct et par empathie, l’esprit des sujets de ses portraits et la dimension éthique et esthétique des lieux qui les abritent. On constate aussi, dans la variété des thématiques et des typologies – une remarquable unité de style. Je crois que cette unité, si difficile à définir et à conquérir, est le signe distinctif, la marque de fabrique qui l’a conduite à réaliser de véritables « tableaux abstraits », employant l’image pour obtenir un effet de dépaysement .

Encore une fois, je le soutiens avec regret, la photographie a empiété sur l’ancien art du peintre - en lui ôtant beaucoup de ses prérogatives.

On peut espérer que la peinture – ce grand art du passé - pourra retrouver sa raison d’être à travers un langage renouvelé, et que la photo, pour sa part, continuera de transformer les artifices techniques en vraie création artistique, comme Maria Mulas a presque toujours réussi à le faire.

Gillo Dorfles